GLOSSOLOGIE et déictique


L'image en tant que représentation contient sa double forme de symbole et de signe dont on voudrait, par la technique déictique, que s'échappe indemne, l'objet. Les exhortations à voir contre l'imaginaire et le savoir finalisent toute une pédagogie de l'observation illusoire du réel.
Ainsi on oppose voir et manipuler en omettant la médiation, aussi fondamentale qu’inaperçue, de l’outil qui nous fait voir.
La transparence conceptuelle se donne à voir à travers les lignes de contour qui n’existent pas dans la nature ; cette isolation tenue pour nécessaire fait partie d’une technique de représentation qui équipe la désignation contre ce qui se montre et s’imagine. Elle présente ce petit avantage de mettre l’accent sur l’inefficacité de toute technique tandis que le réalisme croit avoir franchi un mur en organisant sa transparence et son oubli.
Le regard relatif consiste précisément à repérer ce que produit artificiellement la technique employée au risque de ses aberrations inéluctables. On doit à Paul Cézanne d’avoir impliquer une géométrie dans son regard jusqu’à autoriser par la suite le déploiement des excès salvateurs du cubisme. Certes, le formalisme a suivi en supprimant toute tension dans le rapport au réel ; mais le vitalisme de maintenant revient à prendre la place et à reprendre la naïveté d’une perception pure.
Jouons la carte de la relativité qui nous est offerte anthropologiquement, en faisant contribuer en deçà du langage, de la société et de la liberté gagnée, un pouvoir faire que nous repérons spontanément en toute chose décuplant notre énergie.
Ainsi les tâches ne sont plus seulement des choses à faire, elles contiennent les techniques qui les gèrent machinalement au risque de nous manipuler, mais nous ne pouvons pas faire autrement. La magie voudrait l’ignorer, la pratique nous y confronte et l’art en joue esthétiquement.





La fonction métaphorique de l'art conditionne tellement  son admissibilité au regard, sa reconnaissance en tant que non-croûte que cette instrumentatlisation de l'art passe inaperçue. Pourtant ce statut d'image d'art fait oublier l'art par une double dématérialisation où le symbole le dispute au signe.


 

Dire qu'il y a du concept dans l'image suppose qu'on a repéré un invisible de la pensée rendu visible, ce mot de Paul Klee n'est pas qu'une boutade d'artiste: pour s'en convaincre, on peut lire l'ouvrage de René Jongen  relatif à l'oeuvre de René Magritte. Il n'est plus question de traquer les mots écrits dans la peinture, mais de questionner la relativité des apparences dans le rapport aux mots qui  les forment autant que nos fonctions naturelles de sensation, de perception et d'imagination.


 

Nous voici face à l'inconcevable que nous parvenons à concevoir;

Markus RAETZ (1941- )
2 vues de la même œuvre (a et b) Non-Pipe (d'un autre point de vue), 1992
sculpture fonte, 26 x 50,4 x 31 cm
(Document extrait du catalogue de l'exposition Le champ des illusions , mai / octobre 1998, Centre d'art Tanlay-Yonne)

 

 

Markus Raetz est un facétieux de l'art comme le fut Dietman par son "élan vital". L'anamorphose vient nous surprendre pour faire de l'esprit: ce qui nous apparaissait amorphe prend tout à coup une autre forme en raison de l'image qui surgit d'un point de vue singulier. Les trois pièces du "bijou de famille" offrent leur indécence et relancent la pornographie de la formule légendaire: "ceci n'est pas une pipe" . La première pipe de Magritte offre aussi une forme amorphe à coté d'une autre qui  ne mime pas totalement une pipe bien qu'elle impose fortement sa représentation. Les mots contribuent à former l'image dès l'apparition de l'objet au point que le conçu ne se sépare pas du perçu. La dualité introduite par Cézanne n'est pas toutefois entièrement imputable à ce processus de représentation médiatisée par le langage. La chose étant produit de la technique et  finalité de l'action, les dispositifs de peinture font voir une fin que ne font pas voir ceux de la sculpture (installation, assemblage, modelage, taille, etc), une fin d'emblée élaborée.